Mattei
Olivier Mattei
1963 (Bourg-de-péage, Drôme) - 2022 (Paris)
« Quand on travaille pour plaire aux autres, on peut ne pas réussir, mais les choses qu’on a faites pour se contenter soi-même ont toujours chance d’intéresser quelqu’un » (John Ruskin)
« Aucun homme n’est une ile » (John Donne)
Eléments de biographie.
Olivier Mattei était originaire de la Drôme, où il a vécu jusqu’au début des années 1990. Ses ascendances sont Corse (où il se rendra chaque année), et Italienne. Après de brillantes études secondaires, il obtient en 1986 une Maitrise en droit publique de l’Université de Grenoble. Il intègre par la suite la Mutuelle Générale de l’Environnement et Territoires (MGET) pendant 30 ans (1995-2015), en tant que chef de cabinet, puis la MGEN, jusqu’à son décès.
Autodidacte, Olivier a toujours dessiné ou peint. Il a travaillé avec la plupart des médiums (gouache, aquarelle, pastel, huile). Il réalisait également des sculptures, des mobiles.
A l’âge de 14-15 ans, inspiré par des dessinateurs comme Ph. Druillet, Moebius, Tardi, Franquin (période « Idées Noires »), il créait ses propres bandes dessinées.
Dessins (encre de Chine) selon Moebius et Druillet (1978)
A la fin de l’adolescence il commence à travailler à la peinture à l’huile, s’inspirant notamment des représentations de paysages de la Drôme de P.Palué.
Par la suite, attiré par les œuvres des maitres Flamands du 17ème puis par C. D. Friedrich, son travail s’est orienté vers la représentation de paysages (campagnards, maritimes, urbains) chargés de cieux tantôt clairs et lumineux, tantôt sombres et lourds, enfumés. Sur ce chapitre de la peinture des cieux une influence plus tardive fut celle de Turner.
Autoportrait (2017)
Il fut beaucoup inspiré par La bataille de San Romano, de P. Uccello, qu’il réinterprétera à de nombreuses reprises.
Il réalisait également des résines moulées, ou encore des sculptures et des mobiles en métal soudé formées d’assemblages de fils métalliques, de feuilles de métal, de résine. Il ne revendiquait ici aucune influence.
Mobiles (hauteurs réelles : 1m20 et 1m60 environ) (2000)
Olivier Mattei était également nourri par la poésie. Les œuvres de Poe, de Mallarmé, de Baudelaire, l’ont constamment accompagné. Il composa un recueil constitué de la reproduction manuscrite du texte de La Métamorphose, de Kafka, accompagnée de peintures et de dessins, qui lui demanda une année.
Illustrations pour La Métamorphose (2016)
Illustration pour La Métamorphose (2016)
Strike !(2020)
L’ensemble des œuvres qu’Olivier Mattei a créées présente une diversité thématique qui n’est qu’apparente : au fil des années apparaissaient de façon récurrente Autoportraits, Martyr de Saint Sébastien, Peintures de roses, paysages, scènes urbaines. Mais ces œuvres sont unies, dans leur diversité thématique et dans leur singularité, par l’image bouleversante qu’elles donnent de la perception de la souffrance du martyr.
La personnalité d’Olivier Mattei s’est épanouie dans une relation forte avec le pouvoir créateur de l’imagination. Il avait cette capacité de discerner l’essence, l’âme, de ce qu’il observait. Il était sensible aux beautés de la Terre, et démontrait une relation de perception directe avec ce qui l’entourait.
Olivier Mattei était une personne attentionnée, honnête, solide. Il n’admettait pas les faux semblants ni ce qui ressort de l’ornementation. Il faisait preuve d’une sensibilité aux besoins affectifs des autres, une compassion pour leurs douleurs. C’est peut-être pour cela que les gens lui accordaient, instinctivement, leur confiance.
Pour autant, il était assez secret, difficile à connaître, considérant sans doute que certaines expériences intérieures ne regardaient que lui.
En plus d’un sens fort de l’individualité, Olivier Mattei ressentait une méfiance vis-à-vis des collectivités, des masses sociales sans visage défini. Il existait en lui un conflit entre la crainte de ne pas être compris (malgré plusieurs sollicitations, il n’a jamais souhaité exposer ses œuvres) et le désir d’échange avec autrui (il avait un esprit de camaraderie que démontre sa vie professionnelle).
Délaissant les aspects contingents du quotidien, Olivier Mattei a toujours privilégié tout ce qui est du domaine de la création.
Olivier Mattei dans son activité professionnelle : Deux témoignages
Auteurs:
Hubert Borderie (Président Général de la MGET), Marc Gouyon (Vice-Président Général de la MGET), Fabrice Bouquet et Daniel Billard (Secrétaires Généraux de la MGET), Laurent Tef (Trésorier Général de la MGET).
Olivier Mattei a été un brillant directeur de cabinet auprès de la Mutuelle Générale de l’Environnement et Territoires (MGET) pendant 30 ans (1995-2015), engagé auprès de ses dirigeants (Président Général, Vice-Président Général, Secrétaire Général et Trésorier Général), puis chargé de mission à la MGEN jusqu’à son décès. En lien avec le board de l’entreprise de 350 salariés, il était dans l’analyse des situations tant économique que politique. Devant traduire par la production de textes les orientations politiques et rendre compréhensible au plus grand nombre les questions juridiques ou économiques qui impactaient l’entreprise, il déployait des trésors d’ingéniosité tant sur la pédagogie des explications que sur les formats pouvant servir de vecteurs de communication.
Il avait toujours sur lui un stylo fin d’encre noire, type Pilot. Souvent lors de réunions il prenait des notes sous la forme de dessins qui nous semblaient mystérieux et à mille lieux des sujets traités, mais il nous disait que c’était sa trame de mémoire. Et ça fonctionnait parfaitement car il retraduisait ainsi à la perfection dans le langage courant les sujets abordés et leurs exécutions. Nous y étions habitués et l’observions faire ces multiples signes qu’il traduisait ensuite en tableau et en couleurs. Son écriture elle-même était un comme un dessin, soigné et arrondi.
Il était humain et en lien avec de nombreux collaborateurs dont il était apprécié. Il avait horreur de la violence, des jurons et de la négligence. Il était très discret mais très au fait des problèmes de nos vies et de celle de l’entreprise. Souvent il demandait à chacun de nous avec une grande bienveillance et à mots feutrés si nous allions bien, suite à des difficultés de santé ou familiale que nous rencontrions.
Quelquefois il était heureux de nous présenter ces derniers tableaux ou mobiles en nous expliquant la raison de cette construction, les mouvements, les couleurs, les formes, les oppositions.
Pendant longtemps nos couloirs et salles de réunions étaient décorées de ces œuvres, et il en était honoré.
Auteure : Anne-Marie Harsler (Administratrice déléguée aux transitions écologiques à la MGEN)
Compagnon attentif des responsables mutualistes auprès desquels il exerçait son activité professionnelle, Olivier Mattei incarnait la créativité et la solidarité en action, en véritable artisan de la capacité d’agir ensemble, tout en partageant la manière d’avancer vers le progrès social. Son parcours est marqué par sa profonde intelligence des situations auxquelles une société de personnes peut être confrontée et par une fidélité sans faille qui fait progresser parce qu’elle permet toutes les interrogations.
Olivier, c’est celui vers qui nous nous sommes tournés lorsque nous avions besoin de préciser nos pensées ou de trouver des solutions aux complexités que nous avions à gérer. Sa porte toujours ouverte, son incroyable capacité à écouter, puis à trouver des solutions novatrices mais raisonnables et à les traduire en évidence vont nous manquer.
Sa modestie, sa délicatesse, son originalité, sa grande sensibilité, qui l’amenait à ressentir les malheurs du monde avec tant d’empathie, trop peut-être, sont reconnues par tous; tout comme le grand respect qu’il a toujours témoigné à chacune et chacun, son sens de l’humour, et avant tout son talent d’artiste, capable de transformer les paysages de notre action, resteront comme un exemple à suivre.
La lucidité qui était la sienne sur les obscurités qui enchaînent l’humanité l’amenait aussi à suggérer la lumière et le mouvement au-delà des barreaux qui entravent. Je salue le grand artiste qu’il était, le travailleur tenace qui incitait à persévérer, et l’ami avec qui nous aurions aimé partager de nouvelles routes.
Son héritage humain nous honore, il mérite notre respect et notre grand merci !